Jeudi 2 juin dès 16h
À l’Ouest, un masque de verre attend qu’on se serve de lui pour jeter un coup d'œil par-dessus la barrière de la conscience et saisir les derniers rayons chavirant d’un vaste sommeil. Au Nord, une série de silhouettes coulent sur les vitraux opaques d'un temple de la couleur. Au centre, un fragment de terre magmatique sert de potentiel tremplin à l'imagination pour s’élancer au-dessus de la mer de nuages de la morosité. Tous les éléments réunis dans cette exposition personnelle de Flora Mottini pourraient être des souvenirs glanés lors d’une visite dans l'archipel fictionnel de Fuluwatu - destination idéale d’un voyage onirique dont elle fait le récit et dresse la cartographie abstraite dans une édition d’artiste en offset.
“Ah le temps où les étoiles fument”
Une proposition serait de plonger dans le lac depuis le phare des bains des Pâquis, s’engouffrer dans le fleuve, puis se laisser filer sous les ponts jusqu’à accoster ce Rivage à Bascule qui est la seconde exposition personnelle à Genève de Flora Mottini. Et puis, on se frotterait les yeux avant de s’emparer du masque de sommeil affiché sur le mur, se couvrir les yeux, ajuster les lanières et laisser son esprit décrocher, tomber en chute libre avant d'être propulsé en l'air par un jeu de va-et-vient gravitationnel. Du point le plus haut de la trajectoire, on jetterait un coup d'œil par-dessus la barrière de la conscience pour saisir les derniers rayons chavirant de ce vaste sommeil. Et quand tout s’assoupirait enfin, on se glisserait dans les abysses d’un esprit altéré pour redécouvrir leurs paysages à travers ce verre coulé - à la fois dépoli et moelleux. Ceci est une invitation à rêver.
“Ah le temps où les cochons s'envolent”
Plaquées sur le métal par l'onde de choc d'une supernova, des silhouettes élastiques de cartoons étirent les lignes de leur contour. Elles semblent prêtes à sombrer et disparaître dans l'abstraction horizontale des dégradés chimiques. Tel un coyote qui mouline des pattes au-dessus du vide dans cet instant de tension qui précède la chute, tout le potentiel de mouvement concentré dans la suspension en l’air d'un corps distordu par l’accélération est saisi ici. En arrière-plan, une déclinaison sereine d’horizons de nuances est offerte à notre regard. Ces teintes coulent sur les capots rutilants des voitures volantes d'une Californie fantasmée, sur les vitraux opaques d'un temple de la couleur, ou peut-être sur les hublots arqués d'un aéroglisseur fendant les eaux miroitantes d'un archipel. Avec cette série de peintures, Flora Mottini se saisit des possibilités d’un processus de traitement industriel de l’aluminium - l’anodisation - pour en faire émerger une esthétique de la transition, toujours plus tentée par le minimalisme.
“Ah le temps où les cailloux s'enrhument”
Au centre de l'espace, un fragment de terre magmatique s’impose. Est-ce un bois flottant pétrifié et nacré, recueilli entre les galets de l'une des rives du possible qui bordent l'univers du réel ? Ou est-ce la maquette d’une montagne monumentale dont l'ascension fait office de rite initiatique ? Ou peut-être encore, est-ce le point de pivot vallonné d’un tremplin d'où l'imagination se lance au-dessus de la mer de nuages de la morosité ? Peu importe la fonction si la forme est juste. Les plis et replis confortables qui constellent l’œuvre de Flora Mottini sont à nouveau déployés dans cette sculpture sur bois d’un vert luisant.
“Ah le temps où l'eau a la parole”
Tous les éléments réunis ici pourraient être des souvenirs ramenés par l'artiste lors de visites dans l'archipel fictionnel de Fuluwatu. Les escapades poétiques introspectives dans cet autre lieu sont au cœur de sa démarche. Elle dresse ainsi la cartographie aléatoire de cette destination idéale dans une édition d’artiste en offset, offerte à la consultation. Cette topographie abstraite d'un archipel imaginaire est doublée d'une série de textes qui forment le récit fragmentaire d'un voyage dans ce dédale d’îles atmosphériques. En parallèle à ses recherches visuelles, Flora Mottini travaille précisément le texte. Elle tourne et retourne les mots, en quête des effets troublants que peut provoquer le bon assemblage de termes, pour donner corps à un monde littéraire foisonnant qui nourrit son travail plastique et s’en nourrit en retour.
Jonas Hauert
Avec le soutien de la Ville de Genève
mardi - samedi : 14h / 18h