Capsule 1.85

Viola
Poli

Capsule 1.85

14.07 — 19.08.23
Vernissage: 

Jeudi 13 juillet dès 18h

fleurd(ep)eau, 2022-2023

 

Plus possible de le nier, les plastiques polluent les mers et les océans et nuisent au bien-être de la faune aquatique. Ceux présents dans les fleuves y contribuent à hauteur d’un à deux millions de tonnes chaque année. De l’avis des spécialistes, une vingtaine de rivières constitueraient à elles seules plus de 60% des apports. Alors, quand Viola Poli est invitée en 2022 à exposer à Soul2Soul à la Jonction, quartier bordé de part et d’autre du Rhône et de l’Arve, comment ne pas faire écho à cette situation préoccupante ? Non pas de manière démonstrative ou alarmiste. La Tessinoise se lance dans une mise en scène qui n’a rien de « spectaculaire ». Bien au contraire, toute faite de bric et de broc récupérés ici et là, l’installation s’empare de l’espace comme premier matériau – rien n’est organisé à l’avance, les choses s’orchestrent sur le moment avec beaucoup d’intuition – pour y articuler des éléments qui ensemble tissent une vision sensible, fantasmée ou post-apocalyptique. Du sol au plafond, matériaux inertes et vivants se rencontrent et confirment que tout est dans tout. Une expérience immersive pour le public. Une invitation à se fondre au sein d’un univers tentaculaire parmi les différentes réalités partagées qui s’y entremêlent. 

Inspirée par l’idée d’un grillage qui aurait été plongé dans le flux de l’eau pour retenir des déchets qui eux-mêmes seraient devenus supports d’organismes vivants, Viola Poli cherche à exprimer ces étranges rapports qui s’instaurent entre l’être humain et la nature. Avec des gestes mesurés, elle sème par exemple de la poudre de charbon au sol, qu’elle réhausse par contraste en juxtaposant des coquillages blancs lacustres. D’autres fois, elle graisse des vitres, joue avec la texture du caramel, la couleur et l’odeur du curcuma et des pièces de céramique ou d’amidon. Par capillarité, l’eau qu’elle laisse couler contamine ici ou là une matière et y fait naître du vivant ou de simples taches d’humidité. À l’instar des moisissures urbaines, des champignons parasites ou des petites herbes rebelles sorties des failles du bitume qu’elle a traqués des années durant avec son appareil photo. Appelée aujourd’hui à exposer dans l’une des vitrines d’Halle Nord, bâtiment érigé au milieu du Rhône, la jeune Tessinoise joue une variante sur le même thème.

Attirée par les mutations inframinces qui surviennent au détour d’une rue malgré l’emprise de l’être humain sur le territoire de la ville, Viola Poli érige en protagonistes principaux ces vies organiques nées discrètement dans une cité parfaitement réglée. Tout est affaire de ressenti par rapport à ce qui nous entoure : la plupart d’entre nous effectuons régulièrement les mêmes trajets. Or, même si l’expérience globale semble identique, dans les détails de ce que nous percevons en chemin, elle est différente. Les observations de l’artiste vont même jusqu’à créer un effet miroir sur le corps humain, ses fluides – l’eau ne nous constitue-t-elle pas à 60% ? –, son intimité, et la vanité de son existence. C’est dans cette optique que Viola Poli assume désormais pleinement d’établir des liens entre son expérience personnelle et celle, plus universelle de tout un chacun. Dans cette perspective, du texte s’est progressivement immiscé dans ses travaux. Mélange d’italien, de français ou d’espagnol, il exprime en lettres et peut-être de manière plus explicite ce que l’image ne parvient pas à mettre en forme. 

Caractérisées par une grande vitalité, ses installations ont la qualité de développer cette vision multidimensionnelle qui nous plonge dans un état d’introspection personnelle et collective. Sans jamais se détacher d’une dimension politique, l’artiste passe ainsi des messages avec fraîcheur et légèreté, dont l’un d'eux – peut-être le principal – est de nous rappeler l’impermanence du monde.

 

Karine Tissot

Horaires: 

Capsule visible 24h/24h depuis le passage des Halles de l’île